Biographie

sergeDEFT

Quelque chose a dû foirer
à un moment ou à un autre.
Forcément.
Mais quoi ?

Quand j'étais petit garçon, ma gentille grand-mère m'emmenait à la période de Noël voir un Walt Disney dans un des magnifiques cinémas des Grands Boulevards.

Ma maman ne ratait jamais la Chandeleur et me faisait une pile de crêpes rien que pour moi tout seul, préparant toujours la pâte la veille parce qu'elles sont encore meilleures comme ça.

Mon père me confectionnait des cerfs-volants que nous allions faire voler en courant dans les prés au milieu des vaches. Nous faisions aussi de grands feux et c'est lui qui m'apprit à faire cuire les pommes de terre dans la braise.

Alors ?

Alors à quel moment tout a basculé ?

Tout ce que je peux dire, c'est que j'ai su très tôt que j'avais au fond de moi une sorte de démon - vite insatiable - qui me poussait dans une voie différente de mes camarades de classe, vers un autre monde, puis j'ai constaté en grandissant, dans le regard des autres, l'incompréhension, parfois même l'inquiétude et des sourires gênés comme seules réponses à mon agitation.

Personne n'a mal fait. J'avais ÇA en moi.

Dans les années soixante-dix, j'ai fréquenté un lycée professionnel, ce qui me permit de savoir une fois pour toutes que j'avais des envies autres que des lendemains administratifs et une existence toute tracée, et j'ai alors commencé à faire tout ce qu'il ne fallait pas, dans un élan punk destructeur, me procurant ce dont j'avais besoin avec de jolies peurs et des envies soudaines de courir très vite.

J'ai continué ainsi, multipliant les rencontres et les déceptions, carburant à toutes sortes d'expériences qui m'ont fait frôler à plusieurs reprises la prison, la folie ou l'arrêt brutal de la partie par forfait du candidat. A ce "jeu", j'ai causé bien des déchirements, faisant subir aux quelques personnes qui m'ont aimé l'imprévisible et égoïste décision d'un énième départ pour toujours "plus loin" suivi d'une insupportable attente pendant mes longues errances et enfin la douleur de voir dans quel état désastreux je rentrais.

Des années qui se sont muées en souvenirs vagues, avec parfois la sensation curieuse qu'il s'agissait du passé d'un autre, d'extraits d'une biographie lue il y a très longtemps.

Je ne vais pas me livrer à un inventaire, j'aurai d'ailleurs bien du mal à classer tous les événements, à pouvoir établir une quelconque chronologie là où il n'y a toujours eu que pulsions, furie, choix souvent absurdes et projets éphémères en cascade. Rapporter ici des anecdotes en pagaille n'aurait aucun intérêt, pas plus que se gargariser des heures durant de "faits de guerre" pourrait laisser penser qu'il y a une quelconque gloire à tirer de cette existence désordonnée.

Il est inutile aussi de regretter quoi que ce soit et le spectre détestable de la rédemption avec son odeur de soufre et son sourire carnassier peut passer son chemin.

J'ai aimé plus que de raison ces situations extrêmes et enivrantes, mais je vais les garder au fond de moi, une fois pour toutes. Etaler tous ces instants "extraordinaires" qui s'effacent peu à peu de ma mémoire ne serait pas compris par beaucoup, qui ne verraient là-dedans que des tribulations dérisoires, les caprices d'un enfant unique. Il faudrait que je prenne le temps d'expliquer mes tourments mais j'aurais l'impression de me justifier, d'organiser ma défense. Je préfère m'amuser dans la dernière ligne droite en "balançant" quelques petites histoires sans importance. 

(Et trop souvent, je croise des gens stupidement fiers de leurs actions transgressives, qui veulent absolument me raconter, en prenant un ton qui se veut être celui de la complicité, ce genre d'expériences personnelles, intimes, pour ne pas vous l'imposer maintenant.)

Voilà.

Je pense avoir dit le principal. Vous en savez assez.

Le jour se lève. Il me faut maintenant terminer cette bio qu'ils veulent pour aujourd'hui, trouver encore quelques mots pour conclure et pouvoir la poster.

Finissons-en.

Au moment où de vieux projets latents semblent devoir se réaliser un peu par hasard, j'ai une pensée pour les rares véritables compagnons de route, descendus pour la plupart en marche, et qui m'ont accompagnés à un moment ou à un autre, et je suis surpris d'être encore là ce matin, trempant d'une main une tartine beurrée dans mon bol de café noir, et de l'autre, à écrire ces lignes.

Lire la suite

Écrire à l'auteur

Vous devez être connecté(e) pour envoyer un message. Se connecter

En savoir plus

track